Les Pains Poilâne ne financent pas
le Front national....


D
epuis 1993, une rumeur circule disant que la société Poilâne financerait le Front national. Après enquêtes (épluchages des comptes de la société Poilâne, interviews, recoupements, épluchages de dons reçus par le FN etc), plusieurs journalistes se sont apperçus qu'il s'agissait d'une rumeur absolument fausse. Plusieurs rectificatifs sont parus et nombre de personnes (qui avaient repris la rumeur à leur compte) ont fait leur mea culpa... mais les contre-vérités ont la peau tenace et beaucoup de gens boycottent les pains Poilâne. Danone ! Le site STOP LA RUMEUR a donc enquêté....



Le livre d'où est partie la rumeur

La rumeur remonte à 1992, date à laquelle est paru le livre de la journaliste Blandine Hennion : "le Front national, l'argent et l'establishment" (Editions La Découverte, Paris, 262 p.) Passionnant à bien des égards, le livre n'a qu'un seul inconvénient : en l'absence de la moindre donnée écrite (puisqu'à cette époque les comptes des partis ne sont pas publiés), la journaliste a dû se fier à des témoignages oraux... Qui plus est, son enquête intervient en pleine tentative menée par le FN pour banaliser son image et récolter des donateurs. Il a intérêt à faire croire que de nombreux chefs d'entreprises s'acoquinent déjà avec lui. C'est par exemple pour cette raison qu'il convie plusieurs chefs d'entreprises (curieux) à un meeting secret avec Jean-Marie Le Pen, puis leur fait la surprise de prévenir quelques journalistes au dernier moment... Dans le même ordre d'idée un certain Yves Laridan (à l'époque directeur de communication chez Fauchon) a fait une étrange confidence à la journaliste qui cherchait à connaître les noms d'entrepreneurs proches du FN. L'homme donne son nom. La journaliste interroge aussitôt Le Pen à son sujet. D'après elle, il se met en colère (ou tombe des nues ?) : "qui vous a parlé de Poilâne ?" demande-t-il, visiblement ahuri. Une réponse qui suffit à créer un doute... Et la journaliste de conclure : "Le fromage Roquefort Papillon (lui aussi soupçonné de financer le FN) se tartine-t-il sur du Pain Poilâne?" La phrase, destinée à masquer le manque de preuve, est lâchée. Elle suffit à lancer la rumeur...


La Maison d'édition présente ses excuses

Depuis la sortie du livre, Lionel Poilâne a écrit à plusieurs reprises au directeur des Editions la Découverte pour s'étonner et démentir avoir jamais financé le FN ni même en être proche. Des années plus tard, il en souffre encore et cherche à comprendre. François Gèze lui répond alors : "Je me dois, en toute bonne foi, d'observer auprès de vous qe je n'ai, en l'état, aucun élement me permettant de confirmer ce qui a été écrit sur vous dans ledit ouvrage. Il m'est donc impossible de prétendre que ce qui est écrit correspond à la vérité. C'est pourquoi j'accepte, de ce fait, de vous présenter les excuses de la maison d'édition que je représente avec l'espoir que ces excuses seront de nature à apaiser vos inquiétudes et à vous permettre de recouvrer, si besoin est, la considération qui vous est due."
Enfin, fait resté inconnu, Lionel Poilâne a gagné au printemps 98 le procès intenté à la journaliste le mettant en cause !



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Qu'en est-il de ses liens avec le Cercle Renaissance ?

En fait, il y a bien une maladresse qu'a commise Lionel Poilâne et qui a sans doute conforté Blandine Hennion dans son doute. Toujours à l'époque où le FN cherchait à banaliser son image auprès des entrepreneurs, il s'est laissé remettre un prix honorifique par le Cercle Renaissance. Son nom ne dit rien aux profanes mais les activistes antifascistes savent le Cercle Renaissance est un attrape-mondains très à droite, tenu par un membre du FN... A la décharge de Poilâne (qui dit n'avoir pas été au courant de la couleur du Cercle), il n'y a jamais mis les pieds et s'est contenté de recevoir un prix (qu'on lui proposait) sans se méfier et de se faire inscrire dans le même temps comme membre. D'ailleurs, dès que des amis l'ont alerté sur la véritable nature du Cercle, il en a aussitôt démissionné. Nous en avons retrouvé la preuve (voir ci-contre).



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Le "Guide des Sponsors du FN" ne trouve pas Poilâne

En février 1998, deux journalistes (Caroline Fourest et Fiammetta Venner) ont publié un livre détaillant intégralement la liste des entreprises ayant sponsorisé à un moment ou à un autre le Front national ou l'extrême droite. Loin de se limiter aux sponsors les plus connus, les auteures ont passé au peigne fin 4000 grandes, moyennes et petites entreprises pour n’en retenir qu’un peu plus de 800 certifiées, localisées, identifiées comme ayant soutenu, à un moment ou à un autre, en termes d’argent et/ou d’image de marque, l’extrême droite au cours de ces dix dernières années...

Contrairement au livre de Blandine Hennion, ce livre (qui a pourtant été vécu comme plus radical) ne s'appuie que sur des sources écrites. Grâce à une loi obligeant les partis à publier la liste de leurs donateurs entre 1993 et 1995, il cite les financiers du FN publiés en annexe du Journal officiel durant ces années, mais aussi les entreprises appartenant à des candidats du Front National, celles étant membres de la FNEML (le syndicat d’entrepreneurs du FN) ou apparaissant dans son « guide des bonnes adresses » réservé aux encartés du parti de 1992 à nos jours, celles tenant un stand aux BBR (les Bleu-blanc-rouge, la fête annuelle du parti), celles apparaissant sous forme de publicité dans Français d’abord (la lettre de Jean-Marie Le Pen), les annonceurs de journaux d’extrême droite (Minute-la-France, National Hebdo, Monde et Vie ou encore les annonceurs—peut-être inconscients—de Police et sécurité, une feuille de chou publiée par le très nationaliste syndicat de policiers FPIP (Fédération professionnelle indépendante de la police). Au total, le livre balance 300 noms et a fait couler beacoup d'encre...

Pourtant, malgré une enquête aussi large, les auteures n'ont jamais croisé le nom de la société Poilâne. Interpelées par leur non découverte, elles ont donc poussé l'enquête un peu plus loin (même après la sortie du livre) et l'une d'elles (Fiammetta Venner) a fini par publier un article dans l'Evénement du Jeudi qui est le premier à démentir le soutien de Poilâne au FN (voir ci-dessous).



Un article dans l'Evènement du Jeudi dément

"Autopsie d'une rumeur" est un article signé par Fiammetta Venner (co-auteure du Guide des sponsors du FN et de ses amis) dans l'EDJ du 21 au 27 mai 1998. Extraits :


Poilâne soupçonné de financer le FN : Autopsie d'une rumeur

Le 5 mai dernier, Sonia Rykiel fête les trente ans de sa maison de couture sous les flashs des photographes. Seule ombre au tableau : certains convives tiquent à l'idée d'apparaître aux côtés de Lionel Poilâne, l'un des invités, qu'une rumeur persistante présente comme l'un des financiers du Front national. Le bruit court depuis le début des années 90. Le FN entreprend alors de tisser tous azimuts des cercles destinés à rabattre des chefs d'entreprise.
Tout commence en 1993, date à laquelle un dirigeant du FN lâche à la journaliste Blandine Hennion – en pleine préparation d'un livre sur le FN, l'argent et l'establishment – le nom de Poilâne comme étant proche du FN. Interrogé à ce sujet, Le Pen sera pris d'une colère viscérale : "Mais qui vous a parlé de Poilâne ?" La rumeur est lancée. Aujourd'hui, pourtant, Poilâne nie tout : "Je n'ai jamais financé le FN, ni aucun autre parti d'ailleurs." Tout juste dit-il avoir soutenu quelques actions ponctuelles, pour l'aide humanitaire en Bosnie, les Orphelins d'Auteuil ou encore la construction d'un four à pain pour un foyer de jeunes handicapés. Reste que, quelques mois seulement après la confidence de trop faite à Blandine Hennion, Poilâne recevait un second cadeau empoisonné… le prix d'économie du très compromettant Cercle Renaissance. Un club mondain dirigé par le candidat FN Michel de Rostolan, connu pour être une passerelle entre la droite et le FN. Mais, là aussi, Lionel Poilâne a sa version de l'histoire : "En 1993, un patronage du 15e arrondissement m'invite à parler du symbole de la main dans le métier de boulanger. À la fin de la conférence, un homme se lève et me dit qu'il aime beaucoup mon travail, que je sais bien parler de mon entreprise et qu'il voudrait me décerner le prix d'économie de son association, le Cercle Renaissance. J'étais à mille lieux de penser qu'il était proche du FN ou de la secte Moon. Il s'appelait Michel de Poncins. Au cours de conversations ultérieures, j'ai eu un peu l'impression qu'il était traditionaliste. J'ai donc demandé à Michel Cointat, ancien ministre de l'Agriculture du général de" Gaulle et plutôt à gauche, de venir me remettre le prix." Lionel Poilâne a beau confier avoir "plus d'émotion devant un ciel étoilé que dans une église", il adhère un an au Cercle puis, apprenant de quoi il retourne, lui demande de ne plus se servir de son nom. Ce que le Cercle confirme avec dépit. "Il est parti vite et très violemment. Ce qui, vu son nom et sa qualité, a fait mauvais effet." Qu'importe, le nom de Poilâne reste entaché. Les retombées commerciales ne sont pas chiffrables pour l'entreprise qui, outre ses deux magasins à Paris, est distribuée dans 800 points de vente en France et près d'un millier en Europe. Si l'on compte toujours des clients privilégiés qui se font livrer leur pain à New York, tel vendeur rapporte que des clients rechignent à consommer FN, tel client ne vient plus. Parti favori pour recevoir le prix Moebius, Poilâne aurait été encarté pour ses accointances avec le FN. Peu à peu pourtant, il reconquiert ses détracteurs. La Découverte, éditeur du livre de Blandine Hennion, Le Front national, l'argent et l'establishment, confirme son innocence. Thierry Maricourt, auteur des Nouvelles passerelles de l'extrême droite, fait une enquête de plusieurs mois dans ses comptes personnels sans rien trouver. Enfin, le Guide des sponsors du Front national et de ses amis, paru aux éditions R. Castells, ne trouve aucune trace des subsides Poilâne dans les comptes officiels du FN. Reste que, s'il n'a pas financé le FN, Lionel Poilâne est effectivement passé près de la porte en s'affichant dans le Cercle Renaissance. Une erreur pour laquelle trois ans d'opprobre sont assez cher payés.


Fiammetta Venner





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Jacques Testart confirme que tout ça est faux dans Ras l'Front

Jacques Testart, généticien membre de Ras l'Front, a commis une bourde. Dans une tribune envoyée à Libé au sujet de tout autre chose, il a fait allusion aux pains Poilâne, sous-entendant qu'il faudrait les bocotter en raison de leur soutien au FN. Après une rencontre avec Poilâne et une mini-enquête, il réalise son erreur et publie un rectificatif dans le journal de l'organisation antifasciste. Extraits :



Hé les copains, vous pouvez manger son pain !

Dans une "lettre ouverte" publiée par Libé (30 octobre 1998), j'annonçais ma rupture avec les Éditions Odile Jacob, coupables d'avoir publié le livre de Charles Million. À cette occasion, et pour montrer qu'une relation avec un éditeur n'est pas seulement de nature commerciale, j'évoquais "un excellent pain 'à l'ancienne', cuit dans les fours d'un financier du Front national". Tout le monde a compris qu'il s'agissait du boulanger Poilâne puisqu'il est largement admis depuis quelques années que Lionel Poilâne aurait de telles connivences avec le FN.
Ce commentaire m'a attiré certaines critiques dont je remercie les auteurs : ils m'ont permis de constater que j'ai été l'agent d'une rumeur dont Lionel Poilâne est la victime. Exaspéré d'être toujours suspecté, Poilâne a gagné un procès contre la rumeur au printemps 98. Pourtant, nous savons que les verdicts de la justice ne sont pas toujours conformes à la vérité vraie. Aussi j'ai voulu en savoir plus. J'ai découvert un article de l'EDJ du mois de mai, qui fait l'"Autopsie d'une rumeur" en remontant à une journaliste, Blandine Hennion, qui aurait donné la première trace écrite de la rumeur en 1993. Depuis, son éditeur (La Découverte) a reconnu l'innocence de Poilâne. J'ai interrogé Thierry Maricourt, auteur des Nouvelles Passerelles de l'extrême droite qui a été amené à enquêter sur "l'affaire Poilâne" : aucune trace de ces financements. Finalement j'ai rencontré le fameux boulanger, très affecté par ces accusations renouvelées. Ma conviction est faite : vous pouvez manger du pain Poilâne sans financer le FN.
Cette histoire malheureuse, dont j'ai été involontairement complice, m'amène à témoigner pour deux raisons. D'abord parce que l'injustice faite à un homme est toujours intolérable. D'autant qu'il ne peut tenter de se disculper sans paraître vouloir se justifier. Au-delà, on ne peut combattre sérieusement les fables répandues par le FN ("les étrangers coupables du chômage" par exemple) si on ne fait pas le ménage dans nos propres discours. La rumeur est une arme brune. Laissons-leur cette indignité.

Jacques Testart


Gérard Miller se confond en excuses sur France Inter

La rumeur court toujours. Et cette fois, c'est Gérard Miller qui la reprend à son compte lors d'une émission de Laurent Ruquier sur France Inter en 1999. Lui aussi réalise son erreur et tient à démentir :



Mea culpa de Gérard Miller
(concernant ce qu'il avait dit sur Lionel Poilâne dans l'émission de la semaine précédente, à savoir que ce dernier sponsorisait le FN), dans l'émission "Dans tous les sens" (Laurent Ruquier), France Inter, 28/01/1999 :

"C'est parti d'une connerie que j'ai faite, d'une énorme connerie, j'ai confondu en effet deux livres, j'ai confondu plusieurs choses, j'ai confondu ce livre pour lequel Caroline Fourest est là, Le guide des sponsors du Front national, qui est sorti il y a peu de temps aux éditions Castel donc, qui est un livre fait par deux journalistes puisque vous étiez aussi avec Fiammetta Venner, un livre sérieux qui analysait méticuleusement un certain nombre des sponsors du Front national, je l'ai confondu avec un livre paru il y a plusieurs années qui effectivement reprenait une rumeur comme quoi Poilâne, Lionel Poilâne, avait donné de l'argent au Front national... C'était une rumeur absolue, Poilâne a fait un procès contre l'éditeur et a obtenu des dommages et intérêts, un franc symbolique je crois, et c'était une rumeur qui courait dans Paris, que j'ai reprise à mon compte, et c'est vrai que lorsque Poilâne m'a appelé le jour même de l'émission, j'ai dit le lendemain, il m'a appelé, sur le moment j'étais un peu sceptique parce que je croyais vraiment la chose, c'est ça qui est le pire avec les rumeurs, c'est que c'est, en général, prononcé par des gens plein de bonne volonté, comme moi. Il m'a effectivement expliqué par A+B que c'était faux..."

(Ruquier, hilare :) "Vous êtes 'plein de bonne volonté', vous, Gérard ?!"

"Oui, je suis plein de bonne volonté moi, surtout dans la lutte contre le Front national... Alors, ensuite j'ai vérifié, je termine, j'ai vérifié, j'ai eu Caroline Fourest que je connaissais, puisqu'on avait déjà eu l'occasion de faire un entretien ensemble, qui m'a dit à quel point c'était un mensonge, et c'est vrai que, je me suis rendu compte, du mal qu'on pouvait faire à la radio, lorsqu'on prononçait des choses aussi fausses."


Les Comptes de la société Poilâne parlent d'eux-mêmes

Enfin, s'il fallait une preuve supplémentaire, sachez que les entreprises ont l'obligation de publier chaque année leur comptes et qu'en les épluchant nous n'avons trouvé aucune trace d'un quelconque soutien à une officine proche du FN. Ses bénéficiaires s'appelleraient plutôt : Les Restos du coeur, WWF (une association écolo), Les enfants de la Terre et même... L'Observatoire du PaCS (un collectif d'associations des droits de l'homme et de gays et de lesbiennes militant pour le PaCS) à qui il a donné 20 000 F !



C'est confirmé :
Vous pouvez re/manger du pain Poilâne !